L’association de consommateurs l’UFC-Que Choisir demande l’arrêt de Perrier devant le tribunal judiciaire de Nanterre ce mercredi 24 septembre 2025. L’association de consommateurs réclame le retrait immédiat des bouteilles d’eau pétillante, estimant que Nestlé trompe les consommateurs sur le caractère « minéral naturel » de ses eaux traitées. Cette action en référé d’urgence marque l’aboutissement d’un scandale sanitaire qui secoue l’industrie des eaux embouteillées depuis janvier 2024.
Une bataille juridique aux enjeux majeurs
L’association réclame des « mesures provisoires de retrait du marché et de rappel de produits », ainsi que « l’interdiction de la commercialisation » et « la cessation des tromperies concernant ces eaux Perrier présentées comme minérales naturelles ». Maître Alexis Macchetto, l’avocat de l’UFC-Que Choisir, explique que « le consommateur achète une eau vendue comme minérale naturelle alors qu’elle n’est pas naturelle, puisqu’elle a été traitée ».
Cette procédure d’urgence fait suite à un premier dépôt au printemps 2024, initialement reporté en juillet, après que Nestlé a fourni près de 5 000 pages de documents à la dernière minute. Face à cette offensive judiciaire, Nestlé Waters affirme rester « tout à fait déterminé » à « contester » l’action en justice de l’UFC-Que Choisir, rappelant qu’il « opère sous le contrôle des autorités ».
Des traitements interdits révélés au grand jour
Le cœur du litige porte sur l’utilisation par Nestlé de traitements de désinfection interdits sur son site de Vergèze, dans le Gard. Début 2024, la presse a révélé que des traitements interdits (ultraviolets, charbon actif) avaient été utilisés sur les sites d’embouteillage de Nestlé Waters au cours d’années précédentes, afin, selon la filiale du groupe suisse, d’« assurer la sécurité sanitaire » des eaux.
Or, la réglementation est formelle : « une eau minérale naturelle ne peut faire l’objet d’aucune désinfection ou traitement de nature à modifier ses caractéristiques ». Ces révélations de Radio France et du Monde ont mis au jour des pratiques frauduleuses qui remettent en question l’intégrité de l’appellation « eau minérale naturelle » pour les produits Perrier.
Selon les éléments de défense de Nestlé consultés par Radio France, le groupe affirme que l’eau de Perrier reste « pure à la source ». Cette affirmation contredit pourtant plusieurs expertises récentes, notamment celle de l’Anses, qui estimait qu’il existait une « contamination régulière des eaux brutes » et un « niveau de confiance insuffisant ».
Des contaminations récurrentes inquiétantes
Les documents officiels révèlent en effet des contaminations bactériennes fréquentes des forages Perrier, notamment par des bactéries d’origine fécale. Ces problèmes sanitaires récurrents ont conduit l’Anses à conclure que les sites de production « ne devraient plus conduire à la production d’eaux embouteillées ».
L’avocat de l’UFC-Que Choisir tire la sonnette d’alarme : « Il y a un risque réel pour le consommateur » et « sans mesure prise, un jour, quelqu’un pourrait tomber malade ». Cette inquiétude sanitaire légitime s’appuie sur des faits concrets : en avril 2024, Nestlé a dû détruire près de 3 millions de bouteilles après la détection de pathogènes dangereux.
Plus récemment, 300 000 bouteilles supplémentaires ont été éliminées au printemps 2025, témoignant de la persistance de ces problèmes. Ces incidents répétés soulèvent des questions légitimes quant à la capacité du géant suisse à garantir la sécurité sanitaire de ses eaux embouteillées.
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Un système de filtration controversé
Nestlé a récemment modifié ses systèmes de filtration en remplaçant ses filtres de 0,2 micromètre par des dispositifs de 0,45 micromètre. Selon Maître Macchetto, cette « technologie forcément moins efficace » ne résout pas les problèmes de fond et pourrait même aggraver les risques sanitaires.
Les autorités sanitaires partagent ces préoccupations. En décembre 2023, deux forages ont été déclassés de la catégorie « eau minérale naturelle » à celle d’« eau de boisson » par des arrêtés préfectoraux. Le préfet du Gard a fixé un ultimatum au mois de juillet 2025 pour la suppression définitive des systèmes de microfiltration contestés.
Des enjeux économiques considérables sont en jeu
Au-delà des questions sanitaires, les enjeux économiques de cette affaire dépassent largement le sort d’une seule marque. Une eau minérale se vend en effet en moyenne 200 fois plus cher qu’une eau du robinet, ce qui explique l’acharnement des industriels à conserver leurs appellations prestigieuses.
Selon les estimations, les gains de Nestlé liés à cette possible fraude aux eaux minérales pourraient dépasser 3 milliards d’euros sur quinze ans. Ces montants astronomiques éclairent d’un jour nouveau l’ampleur du préjudice subi par les consommateurs, qui paient un prix premium pour des eaux prétendument « naturelles » mais en réalité traitées.
Une offensive judiciaire tous azimuts
L’UFC-Que Choisir ne se contente pas de ce référé d’urgence. L’association a lancé une offensive judiciaire d’envergure avec deux plaintes parallèles : une première contre Nestlé Waters et ses dirigeants pour pratiques commerciales trompeuses, et une seconde devant la Cour de justice de la République visant d’anciens ministres soupçonnés de complaisance.
Cette stratégie juridique multiforme vise à obtenir réparation pour les consommateurs trompés, tout en questionnant les défaillances du contrôle public. De son côté, le groupe Nestlé mise sur le changement récent de ses systèmes de filtration, arguant que « l’action de l’UFC-Que Choisir n’a aujourd’hui plus rien à voir avec son assignation initiale ».